
L’hypertension artérielle (HTA) est l’une des maladies les plus redoutées en période de grossesse. Elle fait partie des trois premières causes de décès maternels dans le monde et particulièrement au Togo. Une mauvaise prise en charge médicale de cette pathologie en période de grossesse peut entraîner des complications très dangereuses pour la femme et le bébé qu’elle porte dans son ventre. Dans une interview accordée l’Agence Togolaise de Presse (ATOP), Dr Ramanou Bouraïma, Gynécologue Obstétricien, chef de service de la maternité du Centre Hospitalier Régional (CHR)-Sokodé, revient sur ces complications, exhortant par la même occasion les femmes à se faire consulter après un retard des règles.
L’hypertension artérielle est définie comme étant une pression anormalement élevée du sang dans les artères (supérieur ou égale à 140 mm de mercure / 90 mm de mercure c’est-à-dire au-dessus de 14). Toutes les femmes peuvent être affectées par cette pathologie à cause du stress, selon les experts. Les facteurs de risques sont, entre autres, l’hérédité, l’obésité, le diabète, le manque d’activités physiques, ou la consommation moins fréquente de fruits. La femme court aussi le risque lorsqu’elle accouche avant 18 ans et à partir de 35 ans, ou si elle donne naissance pour la première fois ou plusieurs fois ou si elle porte des jumeaux.

D’après Dr Ramanou, l’hypertension artérielle est une maladie qu’on peut retrouver chez la femme enceinte et dans ce cas, elle entraine des complications ou entrave la bonne évolution de la grossesse. Il fait savoir que cette pathologie peut survenir soit au cours de la grossesse et dans ce cas elle est appelée HTA gravidique ou exister chez la femme avant même qu’elle ne tombe enceinte. « C’est une femme qui est sous traitement bien ou mal suivi et à cela vient s’ajouter la grossesse », explique-t-il. Pour lui, que ce soit l’HTA survenu avant ou après la grossesse, les complications sont pareilles chez la mère et touchent également le bébé.
Les complications chez la mère et le bébé
A en croire le Gynécologue Obstétricien, chez la mère, les complications les plus rencontrées, sont les difficultés respiratoires liées à l’œdème aigu du poumon, c’est-à-dire, que l’hypertension s’est aggravée jusqu’à ce que les poumons sont inondés et ça entraine les difficultés respiratoires. « C’est une complication grave qui peut se terminer par le décès de la femme enceinte si rien n’est fait de façon urgente », dit-t-il.
En dehors de cette complication, l’HTA, d’après Dr Ramanou, peut provoquer, au niveau de la maman, un Accident vasculaire cérébral (AVC) qui peut être hémorragique (ce qu’on retrouve souvent) ou ischémique. « L’HTA hémorragique, survient lorsqu’il y a une rupture d’une artère dans le cerveau entraînant un déversement du sang dans le cerveau avec pour conséquence la survenue de l’AVC. Et quand celui-ci se produit chez la femme enceinte, c’est une situation très complexe et difficile à gérer et si la gestion n’a pas été parfaite ou que les lésions sont trop sévères ça peut aboutir à la mort de la femme enceinte », affirme le praticien. Il ajoute qu’avant même d’aller à la mort, dans cette situation, on peut constater les difficultés respiratoires parce que c’est le cerveau qui est la commande de tout le fonctionnement de l’organisme et quand il est atteint ça peut se manifester par des difficultés respiratoires qui peuvent conduire au décès. Quant à l’AVC ischémique, il se produit par l’obstruction d’une artère cérébrale souvent en raison d’un caillot sanguin ou le dépôt de plaque d’athérome sur la paroi des artères.
Outre l’œdème aigü du poumon et l’AVC, l’HTA peut agir sur les reins de la mère. « Nous avons l’hypertension qui devient sévère et agit sur les reins créant ainsi une situation d’insuffisance rénale qui, si elle s’aggrave, peut provoquer la mort de la femme enceinte et bien avant ça des difficultés respiratoires peuvent aussi se manifester », explique Dr Ramanou.
En dehors de ces trois complications, il peut y avoir chez la mère, un écoulement du sang ou une hémorragie au niveau du foie. « C’est une complication majeure et quand elle s’aggrave, ça peut aller aussi au décès de la femme enceinte », averti Dr Ramanou.
Une autre complication majeure relevée par le docteur, c’est le décollement prématuré du placenta normalement incéré. « Cette complication entraîne le décollement du placenta et puis le sang s’écoule des vaisseaux et s’en va s’accumuler entre la paroi utérine et le placenta. C’est une complication, foudroyante, très meurtrière et donc il faut faire diligence et de façon collégiale faire la prise en charge pour qu’on puisse mettre la femme à l’abri de ce danger ».
Le Gynécologue Obstétricien a également évoqué les complications sur les yeux. Celles-ci, prévient-il, vont aboutir à l’aveuglement et à la cécité de la mère si des mesures urgentes ne sont pas prises.
Pour l’enfant, Dr Ramanou a parlé, d’abord, de la prématurité induite qui peut amener à l’interruption volontaire de la grossesse. Il a évoqué, ensuite, le retard de croissance avec un enfant qui va naître avec un poids fœtal insuffisant à l’âge et pire la mort du bébé des suites, entre autres, de la complication liée au décollement prématuré du placenta normalement incéré, entre autres.
Se faire consulter après un retard des règles
Pour le bon suivi de la grossesse, une première consultation après un retard des règles est nécessaire. Et il faut ensuite respecter les rendez-vous des consultations prénatales qui sont des séances au cours desquelles les sages-femmes prodiguent des conseils aux femmes enceintes et s’assurent de la bonne évolution de la grossesse. Dr Ramanou insiste : « Une femme qui sait qu’elle est hypertendue et qu’elle tombe enceinte, la meilleure chose après avoir constaté un retard des règles, c’est de consulter un spécialiste, pour un suivi ou une sage-femme associée à un spécialiste. Raison pour laquelle au centre de référence de la région Centrale CHR-Sokodé, comme dans tous les autres centres de référence du pays, il y un spécialiste, un gynécologue obstétricien. Lui c’est son job de s’occuper des femmes qui sont hypertendues et qui sont tombées enceintes en collaboration avec les sages-femmes qui sont en mesure de bien gérer cette grossesse afin qu’on puisse accoucher dans des conditions à moindres risques ».
Le Chef de service de la maternité du CHR-Sokodé, déconseille « fortement » le recours à un personnel non qualifié, notamment dans les maisons d’accouchement, pour suivre cette grossesse. Il avertit que « ce sera la catastrophe et à la fin c’est le décès assuré de la femme enceinte car la grossesse et l’HTA c’est un danger, elle figure parmi les trois premières causes de décès maternels dans le monde et particulièrement au Togo, après l’hémorragie et les infections ». Il affirme que les décès des femmes enceintes enregistrés au CHR sont dus à cela. « Les femmes arrivent tardivement à l’hôpital après avoir fait confiance à ce personnel non qualifié. Ce qui complique leur prise en charge. Vraiment c’est une pratique que nous condamnons et il faut que ça cesse. Les femmes elles-mêmes doivent comprendre qu’elles risquent la mort en se donnant à ce personnel non qualifié », a-t-il martelé
En limitant la prise de poids, en adoptant par exemple une alimentation saine et équilibrée, en faisant des exercices physiques modérées, en connaissant son histoire médicale et en commençant les consultations médicales à temps, la femme enceinte se donne toutes les chances d’accoucher dans des conditions à moindres risques, assure le Gynécologue Obstétricien.
Des programmes en faveur des femmes enceintes
Dr Ramanou a saisi, l’occasion, pour remercier le chef de l’Etat, Faure Gnassingbé, qui ne cesse de mener des efforts, à travers différents programmes pour qu’aucune femme ne meurt en donnant la vie. Il a cité le dernier programme en date à savoir « Wezou » qui vient renforcer tous les autres pour faire de chaque grossesse une expérience heureuse. Pour lui, il faut que les femmes s’approprient ces programmes en se faisant consulter à temps. « Nous voulons dire à nos chères sœurs, à nos chères mères, que nous sommes là pour elles, nous sommes ouverts, disponibles à les aider et de ne pas hésiter un seul instant à venir à nous », a conclu le Chef de service de la maternité du CHR-Sokodé.
Propos recueillis par KPEMISSI Essohanam