Par TINAKA Essoham
Il y a 63 ans que le Togo a accédé à la souveraineté internationale. En proclamant l’indépendance du Togo, les différents artisans de cette liberté n’aspiraient qu’à une totale indépendance politique et économique. Quelle lecture les citoyens font de la situation économique du Togo, un pays classé au 3ème rang des premiers réformateurs au monde et 1er rang africain devant le Nigeria ? Les avis sont mitigés auprès des populations de la préfecture de la Kozah.
Une économie surendettée et dépendante de l’extérieur
M. Lawson Eric Tèvi, sociologue de formation, estime que la situation économique de la préfecture de la Kozah est à l’image de l’économie nationale, qu’il qualifie de « surendettée ». Pour lui, ce surendettement pousse, le pays à faire recours à une fiscalité trop imposante avec la surtaxation observée. Tout ceci ne favorise pas vraiment un développement économique de la préfecture de la Kozah. Aussi, les sous-secteurs, notamment l’agriculture, l’élevage et le maraîchage qui devraient booster l’économie locale, sont mal accompagnés, sous équipés ou délaissés, ce qui amène les jeunes à abandonner ces activités au profit d’autres comme le taxi-moto (zémidjan), aide-maçon, portefaix et autres, a-t-il déploré.
Le même point de vue est partagé par MM. Nadjombé Maximilien et Djokoto Lincoln qui affirment que tout est statique au plan économique dans la préfecture, « pas d’activités florissantes si ce n’est le zémidjan, les bars et les kiosques se créent et se referment à cause de l’OTR ».
« Je réside à Kara, il y a 6 ans environ mais j’y ne vois pas de changement dans ce secteur économique pourtant notre pays connaît chaque année des classements et bilans élogieux et la réalité est tout autre au sein de la population dans la Kozah », a constaté M. Djokoto. Il reconnaît que l’existence des infrastructures attrayantes telles que l’université, le palais des congrès, la maison des jeunes, pouvait générer des activités génératrices de revenus mais hélas, pas d’incidence notoire sur l’économie locale.
M. Vanédjro Sitsopé, assistant social dans une ONG de la place, relève que l’économie locale se trouve dans les mains des allogènes. Pour justifier ses propos, il affirme que la plupart des grandes entreprises installées dans la préfecture, notamment les boutiques, les kiosques, les hôtels, les bars et restaurants, les services de transports et logistiques sont détenus par des étrangers surtout les Burkinabè, les Maliens, les Nigériens, les Ibos ou encore les Libanais qui rapatrient systématiquement dans leurs pays d’origine, les ressources que génèrent ces entreprises. Cette triste réalité ne peut créer qu’un chaos pour l’économie locale qui reste toujours statique.
M. Kalao Jean, un conducteur de taxi-moto, trouve que le Togo n’est pas véritablement indépendant pour parler de développement économique local de la Kozah. Il raconte, ma mère me conte toujours qu’à leur temps dans la Kozah ici, avec 500 francs, elle achetait beaucoup de choses au marché de Ewaou ou ancien marché brûlé pour aller revendre dans la montagne à Lama Saoudè. Et elle arrive à se faire des bénéfices pour s’acheter un pagne dans le temps là car ce n’était pas donné à n’importe quelle femme. Aujourd’hui poursuit-il, avec un air sérieux, même si tu as 1.000.000 de francs CFA, tu ne peux même pas faire une économie d’au moins 25.000 F CFA à la fin du mois car la vie est devenue extrêmement chère. Comment peut-on parler d’une économie locale si les gens peinent à trouver 25 francs pour s’acheter pure water, s’interroge-t-il ?
Je dis et j’assume l’économie nationale souffre car dépendante toujours de l’extérieur que ce soit sur le plan monétaire, d’installations de grandes firmes et infrastructures commerciales et industrielles, de construction de routes à longue distance, de transformation des matières premières et qu’en sera-t-il de l’économie locale ? a martelé M. Kalao.
Pour Bakoussam Julie, étudiante en droit, la situation économique dans la Kozah est difficile. La crise sanitaire liée au COVID 19 et récemment la crise ukrainienne sont venues tout chambouler, la vie devient de plus en plus chère, à cela, l’éternel problème de manque d’emplois vient aggraver la situation. Le Togo particulièrement la Kozah est-elle indépendante économiquement ? En tout cas je ne pense pas vraiment, a-t-elle dit.
Une préfecture aux atouts énormes
La préfecture de la Kozah dispose de nombreux atouts qui peuvent favoriser véritablement son émergence économique. Depuis 1970, la ville de Kara, a été promue second pôle économique national. Pour concrétiser l’ambition de faire de Kara, une seconde ville après la capitale Lomé, plusieurs services administratifs, techniques et financiers, des infrastructures et équipements de base, ainsi que des activités économiques ont été implantés dans la ville.
La plupart de banques existantes à Lomé ont leurs succursales à Kara à l’instar de la BCEAO, Orabank, Coris-bank et autres. On y trouve aussi plusieurs institutions et firmes industrielles, entre autres, l’Université de Kara, la brasserie BB, le Togotex (aujourd’hui non opérationnel), la CIMTOGO-Kara.
Malgré les atouts de la préfecture ajoutés aux facteurs naturels favorables, le développement économique de la Kozah peine à prendre son envol, 63 ans après l’indépendance.