Par BISLAO Tchessou Pyabalo
Au Togo, l’agriculture demeure le moteur principal du développement économique. Elle contribue à hauteur de 40 % à la richesse nationale et génère plus de 20 % des recettes d’exportation. Dans sa lutte pour le développement et le bien-être de tous, le gouvernement togolais ne ménage aucun effort pour construire des infrastructures agricoles, notamment la Ferme semencière de Sotouboua (FSS). Qu’est devenue cette unité de production de semence de base, 63 ans après l’indépendance du Togo ? quels bénéfices en tirent les acteurs du monde agricole ?
Création et état de la Ferme semencière
Créée en 1947, cette ferme était une unité de production de semences de base, située dans la région Centrale. Selon le régisseur de cette ferme, Boyoda Tchilabalo Koffi, la structure a d’abord joué le rôle de ferme école en assurant la formation des jeunes et ensuite elle est devenue une ferme agricole, un cadre de stage pour les jeunes formés tandis que la Ferme école, transférée à Tové (préfecture de Kloto) est devenue aujourd’hui Institut national de formation agricole (INFA) de Tové.
La Ferme semencière après 1960
En 1977, cette Ferme agricole est devenue la Ferme semencière de Sotouboua, suite une convention signée entre la République Fédérale d’Allemagne et le Togo portant création du Projet de Développement Intégré de la région Centrale. Ce projet avait plusieurs volets dont la production des semences basée à Sotouboua et dotation de la ferme des infrastructures indispensables à la production de semences.
Deux ans plus tard (1979), le gouvernement togolais, d’après M. Boyoda, a créé une division de recherche pour renforcer et pérenniser la viabilité des semences à offrir aux producteurs. Le but était de veiller au maintien et à l’amélioration variétale, l’amélioration des souches locales et à la production des semences. « Sur décision de l’exécutif, la Ferme semencière de Sotouboua est devenue en 1998, une structure technique spécialisée de l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA) qui est chargée de conduire plusieurs activités de recherches afin de produire des semences de base », a poursuit le régisseur. C’est également à cette même époque, dit-il, que le gouvernement va renforcer la ferme semencière avec la construction des magasins qui ont été réhabilités en 2010. Il précise que cette même année, le gouvernement a clôturé la ferme et construit une aire de séchage et appuyé la ferme en matériel roulant, à savoir tracteurs, motos et voitures.
Activités de la Ferme semencière
La Ferme semencière de Sotouboua regroupe aujourd’hui en son sein trois grandes sections à savoir, la production des semences vivrières, le Programme national igname et pomme de terre (PNIPT) et le projet anacarde.
Pour la production de semences vivrières, la FSS produit les semences de prébase et les semences de base de maïs, riz et de légumineuses Vitoco, Vita5 et Soja. Ces semences permettent aux producteurs de produire des semences certifiées qui à leur tour serviront pour une production de masse.
Quant au Programme national igname et pomme de terre, il faut dire que les travaux d’amélioration variétales de l’igname ont commencé en 1987 avec la prospection, la collecte, l’évaluation et la caractérisation morphologique et enzymatique de toutes les variétés des espèces alimentaires. C’est une technique de multiplication rapide du matériel végétal et de meilleure conservation des tubercules récoltés et stockés.
Le volet pomme de terre a été introduit au Togo dans les années 1930 et la culture a débuté par les moines du monastère de Zogbégan en 1960. Ce secteur a connu une ampleur durant les années 1980 avec « L’opération pomme de terre » initiée par le gouvernement mais très vite confrontée à la mévente sur le marché extérieur. La relance du secteur avec des travaux de recherche ont repris en 2020.
Pour la section anacarde, les activités sont menées depuis 2016 pour le maintien et le suivi des clones des parcelles de parc à bois et d’essai d’anacardiers à Sotouboua et aussi pour la sélection et l’identification des arbres potentiellement élites d’anacardiers dans les zones productrices du Togo. Ces activités permettent de maintenir des clones du Ghana et du Togo dans les parcs à bois, de suivre les performances et d’évaluer les clones anacardiers dans les parcelles expérimentales.
Les moyens de production
En termes de ressources humaines, la FSS dispose de 15 agents à savoir 4 fonctionnaires de l’Etat et 11 agents contractuels pour un potentiel important en terres cultivables de 419 hectares. Cela rend possible la diversification de la production de semences de qualité et en quantité dans le respect des normes de production.
Pour un travail de qualité, la ferme est équipée en matériel logistique notamment agricoles et de conditionnement depuis 1980. Il s’agit de tracteurs avec accessoires, de batteuses tractées de céréales et légumineuses à graines, de calibreuses et une série de petites machines, batteuses égreneuses, calibreuses, vanneuses qui pré-nettoient les semences avant leur contrôle au laboratoire.
S’agissant du conditionnement, le maïs égrené, le riz, le niébé et le soja battus sont convoyés à la salle de calibrage pour un tri des grains par la calibreuse. Là, ils sont débarrassés de toutes impuretés (graines cassés ou ridés, graines immatures, morceaux de rafles, cailloux, débris de paille) pour en sortir au bout de la chaîne, les graines homogènes de même calibre.
La FSS dispose aujourd’hui de 18 magasins de stockage d’une capacité de 700 sacs de 100 kg soit 70 tonnes de semences par magasin. Il existe également une aire de séchage de 100m de longueur et de 26m de largeur soit d’une superficie totale de 2600m2. Le laboratoire de la ferme a été rénové en 2021 par le gouvernement et équipé de matériels de nouvelles générations. C’est dans ce laboratoire que s’effectuent les analyses pour statuer sur la qualité des semences produites suivant des normes préconisées
Les semences de base font la joie des producteurs
Selon le président de la coopérative de production d’anacarde « LEBENE », Koli Assoumanou, les clones d’anacardes appelées matière végétative améliorée, lui permettent de gagner de 700 kg à 1 tonne d’anacarde à l’hectare. Mais avec le tout-venant c’est-à-dire graines germées, il produit 300 à 400kg par hectare. Il conclut que les clones du parc à bois de Sotouboua que lui fournit son pépiniériste greffeur de Sokodé, lui permettent d’avoir un bon rendement.
Pour M. Pitidè Jonathan, producteur de semences certifiées, les semences de base qu’il prend à la Ferme Semencière de Sotouboua lui permettent de produire en moyenne 2,5 tonnes de semences certifiées de maïs à l’hectare. Or, ordinairement sa production est de 1,5 tonne à 2 tonnes à l’hectare. « Depuis 2017, je me suis spécialisé dans la production des semences certifiées, ce qui m’a permis de construire ma maison avec les recettes de ces semences », a-t-il confié.
Selon un producteur de soja dans le canton de Tabendè, M. Hidè Essopiou, depuis 2014 qu’il a commencé à utiliser les semences certifiées, il obtient de bon rendement, notamment de 1 à 1,2 tonne à l’hectare contre 400 à 600 kg à l’hectare qu’il avait auparavant avec les semences tout-venant.
« Avec les semences améliorées, j’ai un rendement moyen de 1,5 tonne à l’hectare par an et je gagne aisément ma vie. Je prends soins de ma famille. J’assure l’éducation de mes enfants et j’ai pu acheter une moto », a renchéri M. Paziki Tobolo, également producteur de soja dans le canton de Séssaro.
Comme eux, de nombreux producteurs avec qui nous avons échangé ont témoigné avoir observé une augmentation de leurs rendements grâce aux semences de base de la FSS et c’est tout logiquement qu’ils expriment leur gratitude au chef de l’Etat et son gouvernement pour tout ce qui est fait pour bonifier davantage cette infrastructure agricole.