
Par Prince MAKASSA
La préfecture de Wawa jadis, était prospère à cause du travail de la terre. La localité grouillait de braves paysans qui ont su valoriser de grandes plantations de caféiers et de cacaoyers. Aujourd’hui, les descendants de ces courageux producteurs peinent à vivre décemment. La chute du prix des produits de rente aux niveaux international et local a découragé les agriculteurs qui ont, dans leur majorité, délaissé leurs plantations qui « ne servaient plus à rien ». Cette situation impacte négativement la vie sociale et économique de la population obligeant le gouvernement à mener des actions pour atténuer la paupérisation et relancer la production
Les causes de la baisse de production de la filière café-cacao

Selon le directeur préfectoral de l’Agriculture de Wawa, Kofi Tokétchala, la baisse de la production caféière et cacaoyère dans la préfecture est due à deux causes essentielles. La première dite externe, s’explique par la chute des prix au niveau mondial des produits de rente tels que le café et le cacao. Cette situation, d’après lui, a impacté l’achat au niveau local amenant les producteurs a abandonné la culture par découragement. La deuxième cause est interne à la filière. Elle est due, d’après M. Kofi, à l’augmentation des coûts d’entretien, au non-respect des itinéraires de production par la plupart des paysans et à l’aggravation de la déforestation. « Les plantations de café-cacao ne prospèrent que dans une zone forestière. Les grands arbres dévastés, la production a considérablement baissé car les plantations de caféiers et de cacaoyers ne peuvent pas supporter trop de lumière, de chaleur et de sécheresse », explique-t-il.
Pour sa part, le chef du canton de Kessibo, Edzi Yawo Aboèwudja Ihou VI, lie la baisse de production à la mauvaise interprétation du processus démocratique au Togo en 1990. « Au cours de la grève générale et illimitée, la production caféière et cacaoyère dans mon canton n’a pas trouvé de preneurs, car toutes les voies d’accès étaient bloquées, et les agents de l’Office des produits agricoles du Togo (OPAT) ne pouvant pas arriver pour acheter les produits, la production de la période n’a pas été vendue et cela a découragé la plupart des paysans », confie-t-il.
Impact social et économique de la baisse de production
Le préfet de Wawa, Soménu Atsu Yinassè, affirme qu’après le décès des premiers paysans, les descendants n’ont pas été à la hauteur pour gérer et remplacer les vieilles plantations à temps, ce qui a asséché les sources de revenus des producteurs entraînant la pauvreté dans la majorité des ménages des villages et contrées de la préfecture. Cette pauvreté, dit-il, engendre des conséquences désastreuses telles que, la criminalité, les vols à main armée, le banditisme et l’alcoolisme.
Le chef du canton de Kessibo explique qu’avec la baisse de leur pouvoir d’achat, les paysans avaient des difficultés à scolariser leurs enfants et ceux qui arrivaient à le faire ne pouvaient les maintenir à l’école par manque de moyens ce qui a contraint bon nombre d’enfants à abandonner les études. Il ajoute qu’avec l’exode rural, un grand nombre des jeunes qui sont les bras valides ont déserté les villages pour les grandes villes laissant derrière eux des personnes âgées. « La baisse de la production a donc engendré la pauvreté avec comme conséquences, la perte du pouvoir d’achat, la dislocation des familles, la vente par les paysans des arbres dans les plantations pour maintenir leur train de vie », déplore le chef canton. Et d’ajouter « cette déforestation a détruit la majorité des plantations et aujourd’hui nous tirons le diable par la queue. Les plantations qui donnaient 700 kg à l’hectares donnent à peine 200 kg aujourd’hui. Ceci est très insuffisant pour la survie des familles, alors que la nouvelle variété hybride nécessite beaucoup d’intrants pour le traitement ».
Madame Yawa OTC, commerçante, spécialisée dans l’alimentation générale, a confié qu’avant la chute de la production, le commerce était florissant. « Nous allions chaque semaine à Lomé pour nous ravitailler. Aujourd’hui c’est difficile, les populations de la localité peinent à trouver de quoi vivre et le commerce a également pris un coup. Nous avons nos magasins qui sont presque vides la plupart du temps », a-t-elle regretté.
Le maire de la commune Wawa 1, Assamoah Yao Ogah, natif de Badou, exprime sa désolation. « Lorsqu’on parcourt les villages et cantons on peut voir des bâtiments complètement délabrés dans lesquels vivent encore des personnes âgées comme jeunes », a-t-il relevé. « Ceux qui veulent sortir de cette pauvreté se sont lancés dans la production du gingembre en lieu et place des cacaoyers pour survivre », a-t-il ajouté.
Le responsable de l’Agence Nationale d’Appui au Développement à la Base (ANADEB) de la préfecture de Wawa, Idrissou Salifou Tchédré fait le même constat. « Avant les années 1990, Wawa faisait partie de l’une des localités les plus nanties du Togo. Mais aujourd’hui, force est de constater qu’il y une pauvreté ambiante », a-t-il laissé entendre.
Les actions du gouvernement pour atténuer cette paupérisation et relancer la production
Face à cette paupérisation, le gouvernement n’est pas resté inactif. Selon M. Idrissou Salifou Tchédré, le gouvernement à travers l’ANADEB, est venu en aide en 2019, à 1470 ménages dans 17 villages de 4 cantons de la préfecture, notamment Gobè, Gbadi-n’kougna Ekéto et Doumé. Ils ont été soutenus à travers le projet de Filets sociaux et service de base (FSB) financé par la Banque Mondiale (BM) et le gouvernement togolais et piloté par ANADEB. Ces 4 cantons ont été sélectionnés parmi 31 autres considérés comme les plus pauvres de la région des Plateaux. Ce projet a permis de soutenir chaque ménage avec une somme de 90.000 FCFA pour initier des Activités génératrices de revenus (AGR).
M.Idrissou a confié qu’avec l’avènement de la pandémie liée au Coronavirus, le gouvernement et ses partenaires financiers comme la BM et l’Agence française de développement (AFD), prévoient de soutenir 873 ménages pauvres dans 9 villages de 7 autres cantons de la préfecture de Wawa à travers le projet Fonds additionnel aux filets sociaux et service de base (FA-FSB) de l’ANADEB.
Le technicien de l’ICAT, Kouyawo Ayédjo Kokou, chargé de café-cacao dans la zone de Litimé, a précisé que le gouvernement, à travers plusieurs projets et programmes, a mis en place des mécanismes pour faire sortir les populations vulnérables de la précarité. Ces mécanismes sont, entre autres, le Mécanisme incitatif de financement agricole (MIFA) et le FSRP (2023-2026) entendez par là, West Africa Food System Résilience Program qui vont accompagner les producteurs lors de la campagne agricole dans les filières prioritaires.
Par ces mécanismes poursuit-il, le gouvernement veut créer de la valeur ajoutée dans les filières prioritaires pour une sécurité alimentaire et nutritionnelles durable au Togo. Il a ajouté que le gouvernement, par le biais du Fonds national de la finance inclusive (FNFI) et AGRISEF (Accès des agriculteurs aux services financiers) octroie également des crédits agricoles aux paysans sur toute l’étendue du territoire national afin de mettre fin à la paupérisation de la population paysanne. « Pour la relance durable de la filière café-cacao, outre les formations et la subvention de l’engrais pour les producteurs de la zone de production café-cacao, le gouvernement avait avant la fin du projet PASA en 2021, financé à travers l’ICAT/UTCC, la production et la distribution des plants de caféiers, de cacaoyers et des plants agroforesterie aux paysans de la zone », a conclu M. Kouyawo.