Par BARANDAO Konaka
Les autorités togolaises font depuis quelques années de la consommation locale, une priorité. En témoigne l’instauration du mois du « consommer local » dont la première édition a été lancée le 6 octobre 2020. On note également l’organisation des foires, expositions, dégustations et des ateliers de réflexions pour la promotion des produits locaux. Cependant, lorsqu’on parle de produits locaux, on a tendance à oublier la viande, une des meilleures sources de protéines, fer et vitamines B12 dans l’alimentation. Cette viande doit être de qualité pour éviter des problèmes aux consommateurs.
Au Togo, la viande des petits ruminants (ovins et caprins) avec son goût particulier est plus prisée par rapport à d’autres surtout en période de fête ou de réjouissances. Avant d’être consommée, cette viande subit plusieurs étapes. Dans quelles conditions est-elle manipulée ? Que faire pour que le consommateur ait une viande de qualité ?
Conditions d’abattage, de transport, de préparation et de vente de la viande des petits ruminants
Les pouvoirs publics, les associations et ONG intervenant dans la filière viande s’efforcent de garantir la qualité de ce produit à travers la création des infrastructures appropriées et l’accompagnement des manipulateurs de cette denrée.
Le président de la Société groupement des bouchers professionnels du Togo (SGBPT), Ali Godjé précise que dans le Grand Lomé, il y a trois sites aménagés d’abattage des petits ruminants : l’Office national des abattoirs frigorifiques (ONAF) le plus grand abattoir du Togo situé dans la zone portuaire, celui de Gbossimé et le troisième à Agoè-Zongo plus précisément dans le marché. « Dans ces aires, on tue les petits ruminants c’est-à dire, les chèvres et moutons. Ils sont brûlés avec le bois ou le charbon de bois. Avant qu’on abatte ces animaux, ils sont inspectés par des vétérinaires qui sont sur place. Après l’abattage, le vétérinaire fait l’inspection post mortelle. Il incise les viandes et inspecte les boyaux », explique -t-il.
« Les viandes reconnues salubres sont marquées par l’estampille (marque qui certifie l’agrément sanitaire). Celles qui ne sont pas salubres sont saisies et détruites. Une fois l’inspection finie, les viandes sont transportées dans des voitures vers les points de vente où les restaurateurs viennent s’approvisionner », poursuit M. Godjé.
L’ingénieur sanitaire, Viagbo Komlan affirme que certains restaurateurs respectent les normes d’hygiène. « Les efforts du gouvernement en matière de contrôle et d’inspection sanitaire sur les sites de préparation et de vente de ces viandes sont soutenus par l’Organisation pour l’alimentation et le développement local (OADEL) et l’ONG Vétérinaire Sans frontière Suisse (VSF-Suisse) », souligne M. Viagbo. VSF a formé récemment plus de 200 manipulateurs de denrées dans le Grand Lomé.
Les conclusions des visites effectuées auprès de ces manipulateurs par les agents de la division de contrôle et d’inspection sanitaire attestent que les conditions mises en place sont conformes aux normes en vigueur. Cependant, il existe encore des brebis galeuses.
Si certains bouchers et autres acteurs de la chaîne de valeur de la viande font un effort pour fournir une viande de qualité à la population, d’autres passent outre. Le patron des bouchers reconnaît qu’il existe des abattoirs clandestins. « Ce n’est pas tous les animaux qu’on abat sur les sites appropriés. Comme il s’agit de petits ruminants, il y a beaucoup d’abattoirs clandestins partout dans le Grand Lomé », a-t-il confié.
Le directeur exécutif de l’OADEL, Tata Amétoenyénou relève qu’il y a beaucoup d’abattages clandestins précisant que les bouchers clandestins utilisent des pneus, des souliers et du carton pour bruler les poils des bêtes tuées. « Dans notre quartier à Ségbé, les bêtes sont brulées à l’aide des pneus. Nous sommes tous les jours en contact avec la fumée, surtout en période des fêtes. Je soupçonne que ces fumées soient à l’origine de la maladie d’asthme de mes enfants.», renchérit Abra, une habitante du quartier.
Le responsable de la commission santé /environnement de l’Association togolaise des consommateurs (ATC), Léon Agboka déplore que l’environnement des abattoirs clandestins soit malsain. L’eau utilisée est de qualité douteuse. Il ajoute que certains bouchers transportent les carcasses non ou mal protégées sur des motos.
Les résultats d’une étude sur les « sources de contamination des viandes de petits ruminants chez les bouchers et restaurateurs dans la ville de Lomé » réalisée en 2022 par l’Ecole supérieure d’Agronomie de l’Université de Lomé (ESA-UL) montrent que des lieux de préparation et de vente des viandes sont installés au bord des routes ou à proximité des caniveaux. Cette étude révèle que sur 72 restaurateurs enquêtés, 64,78% offrent leurs expositions à l’air libre tandis que 30,43% le font dans des caisses vitrées.
L’abattage des animaux dans des endroits clandestins, l’utilisation des sources d’énergie non conseillées, le transport des carcasses de viande sur les motos parfois dans un état défectueux, une mauvaise hygiène des restaurateurs et l’emballage des viandes préparées dans les sachets peuvent constituer un danger pour les consommateurs. Il urge alors pour tous les acteurs de la filière viande de trouver des solutions idoines.
Des actions à mener pour une viande de qualité
Selon le directeur pays de l’ONG VSF-Suisse, Géraud Hellow, une viande de qualité est « celle qui va apporter les meilleurs nutriments aux consommateurs. C’est une viande qui porte une estampille de la direction de l’élevage du Togo, si on prend le cas du Togo ». Pour améliorer la qualité de cette denrée, surtout celle des petits ruminants, plusieurs actions doivent être menées.
« Nous recommandons aux autorités de multiplier la construction des abattoirs modernes qui puissent prendre en compte les techniques d’abattage et d’inspection et la santé de tous ceux qui opèrent dans le secteur », a souhaité M. Agboka. Par rapport au transport des carcasses, il propose que les bouchers à défaut de véhicules, les transportent dans des sacs hermétiques étanches pour éviter les maladies. D’après les résultats de l’étude de l’ESA-UL, les locaux de transformation alimentaire doivent respecter le principe de 5S et celui de marche en avant. Le 5S vient des initiales des 5 mots japonais correspondants à Seiri (débarras), Seiso (nettoyage), Seiton (rangement), Seiketsu (Ordre) et Shitsuke (rigueur). Cette méthode est la première étape de toute démarche qualité. Elle se base sur le fait qu’un espace de travail bien rangé est propice à une production de bonne qualité. Le principe de marche en avant quant à lui, est une démarche qualitative de l’hygiène consistant à ne pas croiser les produits sains avec ceux souillés.
De son côté, M. Hellow pense que le renforcement des capacités des agents vétérinaires et acteurs qui manipulent la viande depuis l’abattage jusqu’à la consommation ainsi que la sensibilisation à l’endroit des consommateurs doivent se poursuivre.
Le président de SGBPT exhorte les consommateurs à acheter la viande qui provient des sites officiels d’abattage car elle est controlée. Le responsable de la commission santé/environnement à l’ATC, abonde dans le même sens. « Il faudra aller dans les marchés et les sites autorisés pour s’approvisionner en viande », a-t-il insiste.
« Quand la viande est en train d’être braisée, on ne peut pas savoir si elle est de bonne qualité, ni voir l’estampille, nous pensons qu’en du travail des assistants d’hygiène, le consommateur doit faire une analyse pour voir si l’environnement dans lequel la viande est préparée est propre ( point d’eau, le brochetier ou la maman qui prépare la viande, port d’une bavette, une protection de la tête, un tablier, endroit et aides cuisiniers), conseille M. Hellow.
La viande des petits ruminants avant d’être sur la table du consommateur subit plusieurs étapes. Tous les acteurs de cette chaine doivent respecter les règles d’hygiène en matière d’abattage, de transport, de préparation et de vente pour éviter les maladies. Ils doivent conjuguer leurs efforts pour qu’elle soit de qualité afin d’éviter des ennuis de santé aux consommateurs surtout ceux du Grand Lomé.
L’alimentation des petits ruminants doit être également une préoccupation des autorités togolaises, associations et ONG intervenant dans ce domaine pour un suivi des animaux avant leur abattage.